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Le dernier Tango à Paris
9 octobre 2005

C'est pas une histoire d'amour

Les coriaces bulls traceurs de la Zubrowska vivent encore. J'ai le ventre en purée.
On a commencé fort: Repérés à l'entrée et introduits avec tous les honneurs, une haie de regards envieux nous accueille dans l'antre encore clairsemée.
Les premiers accords donnent généralement le la pour la soirée. Celle-ci sera funky. Je prends mon air le plus froid qui soit. Une sorte de boxeur soviétique de Rocky IV dont j'ai oublié le nom, la classe en plus.
Je ne bouge pas le moindre de mes muscles malgré les effets musicaux très entraînants et ceux non moins entraînants des chicas lascives. Toutes sur leur 31. Volontairement, je n'en remarque aucune pour l'instant.
C'est la règle numéro 1.
On se fout au bar et on prend notre premier litron. Combien de verres? 2, on verra ensuite.
Avec mon pote, on se raconte quelques histoires du bon temps. On se marre pas mal, mais discrétos. S'agit pas non plus qu'on ait l'air de deux innocents en goguette.
Au bout d'un moment, 10 minutes? une heure?, je me retourne: C'est bon, c'est blindé. Des gens partout. Ca danse, ça se bouscule, ça minaude, ça roucoule déjà pour les plus pressés.
On se dit à plus tard avec l'autre trublion. Pour ma part j'attends pas très longtemps. Deux trentenaires roulées impec qui m'accostent de la plus simple des manières: non, on ne passe pas monsieur.
Très bien, on va causer alors. Je n'arrive pas à me décider entre la plus affamée, la blonde, ou la plus réservée et la mieux foutue, la brune. Elles me disent leur prénom et j'oublie. J'oublie aussi ce qu'elles font dans la vie. Je crois que je m'emmerde et je gicle. Je vais voir ailleurs.
A côté c'est irrespirable tant y'a de monde. Je continue de rôder, superbe et élégant au milieu des agitations simiesques et faussement heureuses de la foule compressée.
J'en vois une, là-bas dans le coin. Une qui a l'air de s'être retrouvée ici par hasard, qui garde un honnête étonnement et une réserve que j'estime élégante face à ces risibles déferlements d'apprêts et d'apparences. Brune. Grande. Longs cheveux, yeux marrons et froids, seins impeccables. Dans les 24, 25. Bingo.
Au moment ou je m'approche de la naïade, je vois
R., mon pote, se balader avec 2 ados à sa suite. Il me fait signe. J'arrive, je suis occupé, je lui réponds des yeux. Ce qu'il y'a de bien avec R., c'est qu'il comprend vite. Pas relou. Ca va.
Le premier contact confirme mes espérances. Elle est froide, répond avec esprit et un léger sourire qui flaire pas du tout la bécasse de sortie. On s'entend vite. Je comprends que c'est bon lorsqu'elle me sort que je suis marrant, qu'elle a envie de danser. Vas-y, que je lui sors, je te rejoins plus tard. Règle numéro 2.
Je retourne trouver R., Aude et Marianne. Leur côté working girl acharnée qui n'a du temps que pour le boulot et la sortie de la semaine me saoule. Je suis navré pour R., mais je décroche. Hasta luego amigo. On se rappelle demain. Toujours avec les yeux.
Bon. Que je retrouve ma garce.
Je me pose devant la piste, je fais rouler mon verre d'une main à l'autre, j'ai le regard haut, la dégaine d'enfer. Ayé, je l'aperçois. Je la fixe des yeux et j'attends qu'elle me reconnaisse. Elle se déhanche d'une manière terrible, lève les bras au ciel et semble entraînée par je ne sais quelle phase qu'elle se fait. Je bande.
- Tu danses?
- Jamais. On va boire plutôt.
- Mais, heuuu...
- Pas de mais. C'est qui l'homme ici, bordel.
Elle s'esclaffe. Quand je vous disais que c'était bon.
Pas idiote. C'est même une anthropologue au chomage. Fait des salons pour payer son loyer. Pourquoi elle pose pas? Je la flatte. Et puis je me dis que n'importe qui fait des études aujourd'hui, et que n'importe qui est au chômage. Ca ne prouve rien et rien.
On cause. On se touche en causant. Gentiment. On se frôle les genoux, se touche des coudes. Les lèvres à l'oreille. Etc.
4h30. Déjà. N'importe quoi.
C'est pas une histoire d'amour mon gars, ressaisis-toi
.
Au milieu d'une phrase, je sais pas laquelle parce que je ne l'écoute vraiment plus, je plonge mes yeux dans les siens qui ne me quittent plus depuis un moment déjà. Je pense très fort à ses seins de manière à trouver mes dernières motivations capables de m'étourdir et je l'emballe. A sa manière de me rendre mon baiser, elle était prête. Elle embrasse superbement. Tourne ses levres lentement, agite sa langue avec concentration, me fait bouger de ses mains. J'en ferme les yeux de volupté et ça me replonge à il y'a des années, cette torpeur, ces délices.
C'est pas une histoire d'amour, mon gars.

Avec tout ce que j'ai bu, je dois aller aux toilettes. Et au moment où je quitte son champ visuel, j'oblique brutalement.
Dehors, y'à quelques petits cons qui font du bruit. Je cherche distraitement R. du regard au cas ou.
Et puis je m'en vais, disparaissant comme une cigarette dans la nuit.

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