En avoir ou pas
Je trouve ça con que Zidane pète un cable de cette brutale manière et à ce moment surtout. A la réflexion c'est pas tant le geste que l'à-propos qui a manqué de panache: je lui aurais moi aussi volontiers filé un coup de boule à l'autre facho. Mais pas ici et pas maintenant.
Je trouve ça con également que Zidane soit pris dans ses contradictions. Ce geste c'est la confrontation à des limites que j'ai toujours soulignées. Tout le monde m'a entendu dire Zidane est un grand. Pas un très grand. Et pourquoi? Pour la simple raison qu'on ne peut pas être un très grand footballeur si l'on n'est pas autre chose de plus qu'un footballeur. Si l'on n'est pas animé d'un discours véritable autre que celui prostitué aux compagnies d'assurances ou de téléphonie mobile. Et quel discours pouvait avoir Zidane durant sa carrière? Quelle chance exceptionnelle lui offrait le football d'exprimer sa différence et de valoriser sa contribution culturelle et identitaire à la formation d'une france neuve et décomplexée...
Mais non, cet homme (et ses fabuleux conseillers) n'a pas cru bon de dénoncer et de dire le racisme acide qui est en train de gangréner un peu tout le monde.
Et voilà qu'hier il a été touché sur ce terrain. Que le très long Materazzi l'a bousculé là où Zidane n'avait élaboré aucune défense valable, aucun dispositif d'immunisation, en s'en prenant apparemment à ses origines et identités maghrébines, forcement fragilisées par les temps et les bétises qui triple-galopent. Il en a été quitte pour revenir au niveau zéro de l'argumentation -la violence, et de l'intelligence -faire ça devant 2 milliards de témoins.
Je ne me nourris d'aucune illusion quant à la reprise du combat par les élites journalistiques. Loin de là. L'éditorial proprement scandaleux de l'Equipe de ce matin (édition titrée Regrets éternels), qui a tiré de manière inouie en première page sur la personnalité même extra-sportive de Zidane fournit les preuves exactes du contraire. C'est complètement fangeux, infâmant. Zidane méritait mille fois le carton rouge. Il l'a eu.
Pourquoi s'acharner? Et pourquoi en faire une lettre ouverte en forme d'information principale?
C'est con que le football, le sport, ne correspondent plus à grand chose de beau. J'ai lu quelque part qu'il y'a vingt ou trente ans les joueurs se battaient pour un titre et qu'aujourd'hui ils se battent pour du pognon. C'est vrai. Et une grande partie de l'explication réside certainement là. L'idéal Coubertien, l'essentiel est dans la participation, a fait long feu. Aujourd'hui les joueurs veulent gagner et c'est tout. Au diable le sens ou la manière. Ce qui est important c'est d'être considéré comme des "tueurs", vous noterez le terrain sémantique, et de fuir sa cité. Se saper de basket Nike à tirage limité et écouter du Hip-Hop à l'entrainement avec un gros casque. S'acheter une grosse bagnole et une grande blanche pas trop intelligente de préférence -N'étant pas un habitué de la presse people, je viens de découvrir à l'occasion du passage à l'Elysée des joueurs, que les femmes des 23 joueurs étaient TOUTES blanches.
En une formule, de faire vendre pour pouvoir acheter un max.
En avoir ou pas.
A l'heure ou j'écris ça, il y'a un petit gros à lunettes sur LCI qui fait un reportage sur Ghosn le patron de Nissan. Ghosn Comme Zizou, la formule journalistique est répétée une dizaine de fois pour arriver à conclure je ne sais quoi. Ca n'a pas d'importance, la formule elle-même est révélatrice des limites absurdes de l'exercice journalo-publicitaire. Et des records de conneries qui tous les jours vont se nicher un peu partout.