La nuit patiemment
De mes oscillations continues entre l'état éthéré et bien louche d'être superbement civilisé et à bord du progrès, bon père distingué et affable, et l'autre, le sauvage virevoltant et fracassant comme un énorme éclat de rire à la face tragique du monde compromis, il n'y a évidemment rien à choisir. Je serai une sythèse parfaite, ou plus sérieusement un essai de synthèse parfaite et pas grand chose d'autre.
En lettres ou au cinéma, la deuxième pièce est infiniment plus prometteuse (il n'y a pas de bonne littérature avec de bons sentiments, etc.). Problème. Je me rends compte que mes pulsions dépendent aussi de ça, de cette espèce de mouvement de ce que j'appellerai mon antenne du mauvais sentiment. De ce préalable à la littérature donc. Et c'est pas que des prétextes.
Ce soir en rentrant d'un dîner je me suis arreté devant quelques batiments du 17ème siècle. L'air était apaisé, les flaques encore nettes, les rues neuves pleines de jouvences. Puis je me suis figé quelques minutes devant une batisse remarquablement éclairée et propice à tous mes rêves de chanteur Rock que je serai un jour.
- Regarde mec, je me vois bien investir les lieux.
- Ah.
- Non?
- Si. Viens, on avance.
Mais si attends, regarde. Un peu d'imagination bordel. Ecoute, tu entends Mozart? Ha, tu vois.
Eh bien, je serais accompagné tous les soirs d'une créature toujours plus belle, et je claquerais du talon tel le Kaiser de je ne sais quelle contrée inabordable. Je porterais des étoffes rares et des bottes méphistophéliques.
Et tu sais quoi? je mettrais aussi une cubaine à l'entrée. Cette mulâtresse serait d'un genre des moins recommendables. Chevelure crépue et sale, jupe à ras du bonbon et bas filés. Elle traînerait un sac qui l'aura pas quittée depuis les trottoirs de La Havane et fumerait le cigare avec une vulgarité consommée de péripatéticienne finissante mais patentée.
Tous les soirs elle attendrait mon passage et m'alpaguerait de la seule phrase de français qu'elle connaît:
Dis beau blond, tu montes?, etc.
- T'es vraiment un malade.
- Bon. Je crois mon ami que tu ne comprends rien.
Petite pause en ma bonne ville de Paris. Je repars samedi. Vais essayer de distiller
quelques billets vite faits bien faits d'ici là. Et vous les vacances,
c'est comment?