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Le dernier Tango à Paris
21 septembre 2006

Inattendu, déconcertant, étonnant, inaccoutumé, bizarre, insolite, voire incohérent

J'ai passé ma veste sombre coupée chez Francesco. Celle des grands soirs.
A l'entrée, deux laquais au regard stupide se grattent l'oreillette. Comme dans les films doivent-ils penser. L'un, bovin, machônne son chewing-gum pendant que l'autre me demande mon carton. J'en sors 10 et je fais mine de le gifler avec: ce qui m'ouvre grandes les portes immenses, me vaut un Bienvenue Monsieur, je vous souhaite une excellente soirée obséquieux comme j'aime et fait sourire la souris brune qui m'accompagne. Celle-ci me serre la phalangine en attendant mieux, j'imagine.

Quelques pas et je me retrouve tel l'auteur de Lolita, submergé par un spasme presque douloureux de réplétion esthétique. Des nixes et ondines infuses dans chaque interstice détaché de mes yeux ruinés. Il y'a des pré-signes dans la fièvre; j'accomplis avec fiertés et bravoures les gestes mécaniques d'un général pénétrant son champ de bataille et je lâche instinctivement la main de la souris que j'envoie chercher deux verres de Vodka.
C'est évidemment le moment précis où les crétins que vous avez ignoré pendant des années vous retrouvent. C'est comme ça. C'est cette tête vermineuse plissée.
Qui vous fait face et vous salue avec un entrain inexpliqué, vous vole ces coins de ciel éternel qui vous échappent, même pour quelques secondes.
Car vous êtes sûr que vous allez vous en débarasser de cette pâte molle. Elle aura beau vous répéter que c'est incroyable de vous revoir, qu'elle pensait que vous aviez changé de continent, vous sortir le champagne, vous ne perdez jamais espoir de trouver la solution qui l'enverra du côté des limbes pour ce soir au moins. Et puis il vous dit que vous ne devinerez jamais qui est là. Gagné, j'aurais jamais imaginé que Salvator, Damien, Dimitri, soit la parfaite brochette de losers encore heureux et vivants puissent continuer à hanter ces manifestations. Parfois grand naïf, Cassandre.

Vautrés dans les canapés, on se retrouve à fumer. Souris est revenue et ne me lâche plus. Tu parles. Salvator me parle de son prochain film et m'assure que je suis la seule personne à Paris, en France, au monde, capable de lui écrire certaines scènes. Mais t'as pas un sou, connard. Va chier, fous-moi la paix avec ton super projet hollywoodien.
Et toujours, le ballet de phalènes. Qui m'aguichent pendant que Losers & Co. me tancent avec leurs thèses épaisses. Des fois je me dis que j'aurais mieux fait de ne pas naître avec le sens de l'amitié, ça m'éviterait d'attendre une pause dans le bavardage pour pouvoir fouler des lieux plus directs.

Dans la collusion des plastiques, je suis mieux. Je crois que je danse, d'ailleurs. Enfin, j'ai la jambe droite qui bouge. Et puis il y'a Elle, dont je crois que je suis tombé amoureux au moment exact où mes yeux de Raspoutine se sont posés sur les infinies complexités de son iris vert-gris. Ou peut-être même que j'ai toujours été amoureux d'elle sans le savoir, sans la connaître. J'aime la vie un peu plus à chaque tressautement de ses chairs lactescentes, à chaque oeillade où je devine l'amour simple.
C'est l'intensité d'un tableau de la renaissance, l'émotion comme un lierre.
Sa copine lui parle à l'oreille et elles gloussent, mutines de concert. Je souris en retour et je lui dis je ne sais plus quelle profonde pensée à l'autre oreille; j'ai le coeur qui bat à tout rompre. L'impression confuse du peintre perdu dans son ivresse créatrice, les pieds pris dans la confusion des sens pendant que le temps s'allonge et s'enrichit de complexités subtiles de dénivellés. Jusqu'à ce que l'idée d'une Proustisation ringarde en ces moments décisifs me fasse revenir au marquis et à ses bastilles. Peut-être même une sensible érection au contact de son lobe brûlant.

Il est rare qu'une pensée même la plus restreinte s'atomise à l'arrêt d'une phrase. Que l'amour poignant d'une vie éclate en morceaux aux premiers mots. Rare mais pas impossible. C'est ce qui arriva.
La scansion, le timbre, l'intonation, la construction approximative de ce qui devait être l'acte fondateur d'une passion infinie, tombèrent dans mon oreille comme une stupidité informe à l'échelle gigantesque.
Et en même temps sans que je puisse même me souvenir de ses paroles ou y répondre, une transversale lumineuse m'apparut, fendant la foule compacte avec tout au bout la raison humaine et salvatrice de Losers & Co..
Je les aperçus hilares, débraillés et à moitié affalés par terre pendant que petite souris se mangeait les ongles avec le geste poignant de solitude d'une fille qui saurait absolument tout d'Edward Hopper.
Ca me fait plaisir de vous revoir, les rats.

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Commentaires
A
j'aime beaucoup la fluidité avec laquelle tu écris, j'ai hâte d'en lire plus.
C
Oh! d'avance j'en suis toute émous tillée...<br /> Sache que si un jour tu sera par mes mains irrémédiablement libèré de ton enveloppe charnelle, j'aurais aussi pris soin au préalable d'en explorer toutes les potentialités
C
Mais non! Reviens!<br /> :-)<br /> <br /> Il est 03h15, zetes ou tous? pfff
P
Alors comme ça tu me fais des infidélités ? tsssss...
A
Ne cherche pas ta voiture, je pars à Barcelone avec. Tu trouveras dans la poche de ta jolie veste Miller... <br /> J'aime bien ton dernier texte, travaille bien.<br /> Je t'embrasse.
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