Maldonne
J'ai quelques piétinements de morceaux de fierté. J'éprouve même des débuts de crainte.
Ainsi la machine a pris l'échiquier en mains.
La gauche aura fondu dans un temps sans passé ni futur: elle a sombré dans le spectaculaire, cette lame de fond à l'échelle de la planète.
Sur le plan purement théorique, ça m'emmerde infiniment. Sur le plan pratique, je n'ai pas de mots à expliquer mon irritation de voir Ségolène Royal (ou alors devrais-je ici dans un dernier effort louable me mettre à la page et dire Ségolène tout court, tout le monde comprendra) prête à s'habiller des valeurs de justice et d'égalité, de gauche!, pour servir une soupe de croûtons d'inepties démagogiques et télévisuelles.
Entre elle et Nicolas Sarkozy (Et là je devrais user d'un Sarko pour faire bien), j'ai peur que le cynisme n'ait pas choisi son camp.
Car une des supériorités non négligeables de ces deux-là c'est qu'ils savent qu'ils sont remplaçables. Qu'en tant que résultantes des opinions, des airs du temps, ils ne disposent que d'une séduction aussi éclatante et inexplicable qu'éphémère et hautement réversible. Tout le contraire de la compréhension et de la confiance, j'allais dire de l'amour, indissociables de l'expérience et du temps.
Au plus donc il ne me restera qu'à m'accrocher à l'idée vague que l'égérie des magazines en couleurs constitue aux yeux de l'opinion imbécile et servile le seul rempart capable en pourcentages un soir de vote, d'empêcher d'afficher triomphantes les idées d'extrême-droite qui auront rarement été à pareille fête.
Croire en la démocratie du vote au faciès donc.
Quand même curieux ce slogan d'ordre juste. Cette persistance d'une vision militaire matricielle.
L'ordre, oui et alors, qui n'en mettrait pas?
La justesse/justice? Certes, on peut toujours en parler!
Mais l'ordre juste comme un voeu ou une incantation, c'est un résumé plutôt maigre et inquiétant pour une vision politique. Et j'ai beau chercher ailleurs, dîner en ville, j'ai toujours le même écho qui me revient: Et oui vieux, ce n'est ni Louise Michel, ni Rosa luxembourg. C'est ni la révolution, ni l'idéologie ni l'expertise, encore moins la culture. C'est le journal de 20 heures et la couverture des hebdos, point.
Et si vous faîtes la moue, vous demandant pour qui elle roulerait à la fin, c'est l'image de fragments mal assemblés et souvent contradictoires qui apparaîtra dans un beau désordre où l'on se fatiguerait à trouver des traces de justesse ou de justice. Car plus que Sarko encore, l'opinion publique est seule avec elle, et elle lui doit en retour et de facto une fidélité non négociable. Au diable la continuité, la cohérence, ou encore les valeurs de gauche.
Ca ressemblera à une politique de l'opinion, loin de toute réflexion ou concertation. Une politique assortie d'experts qui vont venir se grouillant et rampant pour venir légitimer contre honneurs sur papier glacé, soultes et prébendes, ce n'importe-quoi multidirectionnel.
En tant qu'hommes, tout cela ne nous avancera que peu. Mais combien sommes-nous au juste, sincères, debout et rêvant encore à un autre mariage de l'ordre, poétique et éternel, loin du spectaculaire de la chimère et des entassements de fumier.
Au mariage de l'ordre et de la beauté donc, à ce rivage lointain où tout n'est que Luxe, calme et volupté.