Le monde d'Alice
Je n'ai su que tard, trop tard, que c'était elle que j'aimais: les tendances de mon esprit à fuir les évidences se sont incrustées jusque dans mes pays clairs et heureux.
Et ce n'est pas tant le vermillon éclatant de ses lèvres ou le vert faussement synoptique de ses larges yeux qui interpellaient mon inconscient à mon insu, mais ses soudains et incessants jaillissements de vie, ses robes qui se soulevaient et balayaient l'air lors des traversées interminables des couloirs de son appartement, cette démarche faussement volontaire qui caractérise les grandes indolentes; ou mieux encore, ce sourire qui exprimait les envies à satisfaire qui se dessinait, ne pouvait plus se cacher, dés que je sortais une de mes bétises: ses yeux passant alors du vert au bleu me fixaient droit avant qu'elle ne s'emploie au premier prétexte pour ne pas perdre tout de suite toutes ses contenances.
Ce manège durait et j'aimais qu'il ne cessat pas.
C'était malheureusement sans compter que le folâtre que je suis n'a que peu de dispositions au discernement lorsqu'il s'agit du beau sexe. Et qu'infoutu de reconnaître la source des signes et la cause véritable de l'enchantement, je succomberais aux deux endroits même où elle posait chaque jour ses lumières les plus immédiates. C'est ainsi que j'ai d'abord couché avec sa colocataire puis ensuite avec sa meilleure amie.