Philippe Noiret
J'aime peu les acteurs. En tant qu'acteurs, je peux les trouver bons ou mauvais mais en tant qu'hommes je les trouve généralement inconsistants et parfaitement incaccomplis: je bondis chaque fois qu'un journaliste indélicat et tout rond de grotesque servitude leur demande leur avis sur la vie politique, l'europe, la peinture flamande du 16eme, la disparition des espèces animales, etc. D'ailleurs je suis de plus en plus honnête depuis quelques années et j'en veux plus au journaliste crétin de poser la question qu'à l'acteur d'y répondre: Si Cassel est payé pour dire des aneries, il aurait tort de s'en priver.
Quoique ça se discute, ça aussi.
Je disais donc que dans ce magma de saltimbanques millionaires, il y' avait fort heureusement quelques notables exceptions.
Certaines sautent imémdiatement à l'esprit, Mitchum et son incroyable sens de la dérision, Bogart et sa maturité et classe d'un autre age, Cassavetes et sa fulgurance d'esprit, la latine désinvolture de Mastroianni, Chaplin et Welles bien sûr, Bette Davis la peste, Audrey Hepburn l'îcone brune infiniment plus intéressante que la blonde préférée des camionneurs, Yul Brynner et Elli Wallach parce que j'ai envie et d'autres encore.
Et puis il y'en a encore quelques uns, plus discrets mais non moins imposants: Bouquet, Ventura, Gabin, Penn, Peter Sellers, Eastwood,..., et aussi Rochefort, Marielle et Noiret.
Noiret, dont je n'ai plus rien à présenter car chacun de vous connaît l'élégance, la voix délicieuse, le goût du cigare, les chaussettes de couleurs, la présence, la chaleur intime et connivente de ses apparitions sur l'écran ou sur la scène.
Noiret l'humaniste qui s'emporte contre la connerie et l'égoisme des hommes - j'ai réecouté ce matin sur France Inter sa sortie contre le Dakar au moment où il était interrogé par Durand, un pur bonheur- Noiret, qui conserve néanmoins et par dessus tout la sagesse digne et légère, la courtoisie généreuse de celui qui se sait du bon côté de la barrière.
Noiret aussi dont tout le monde salue l'évidence sans mesurer l'énorme mérite de celui pour qui rien n'était écrit au début des années 60, ce temps ancien ou l'on arrivait à tout avec de la conviction, un peu de culot et beaucoup du travail et où la star academy n'existait pas. Ce temps des monstres sacrés, irréductibles et uniques.