Les univers brisés
A C.
Ses airs mignards dodelinaient à l'arrière alors qu'elle ne retenait plus les feux de ses cheveux rebelles et roux affolés par le vent. La voiture filait dans la nuit, elle se lovait avec langueur sur le cuir, fatiguée, complètement muette.
Par flashs, apparaissaient dans ses yeux mi-clos des traces de phares de quelques engins déplacés plus loin sur le dos de la route. Elle saisissait des bribes de voix reposées et apaisées par l'obscurité, comme des points d'escorte vers l'horizon attendu. La voix grave et virile de son amant portant chemise rose intervenait peu, et elle paraîssait presque se contenter de l'essentiel en ouvrant ou fermant des sujets entretenus par celui qu'elle avait avec affection baptisé le clown.
Ses songes s'interrompaient des fragrances de Vétiver et des noms de lieux fantastiques à connaître un jour. Les airs entendus et les silences complices, les bons mots, les rires pleins et chauds. Des histoires louches lues dans les journaux et dont elle voyait maintenant les nouveaux ressorts.
Francis le belge, Jacky le mat...Nice, Marseille...les affaires...
La fatigue avançant, elle s'enroula dans les couleurs chaudes des souvenirs de la veille. Des coulées de champagne sur ses reins nus et du plaisir escaladé comme jamais. Les mains d'adulte sur son sexe brûlant, les mots interdits d'un coup libérés, les frissons nouveaux.
Elle se dit qu'il était peut-être de la mafia, son beau brun; et à cette pensée c'est une décharge de plaisir qui vint lui saisir le ventre à la vitesse du sang.
Et alors? s'amusa-t'elle excitée tandis que le sourire de ses 18 ans émerveillés venait anéantir cette pensée abandonnée à la vitre de ses rêves.